A l’occasion de son colloque sur le Rhône, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a réuni près de 300 élus, techniciens, associations et acteurs du monde économique pour faire le point sur la qualité des eaux du fleuve, les actions de restauration engagées depuis 20 ans et les services gratuits que le fleuve apporte aux territoires qu’il traverse. Du Haut-Rhône jusqu’à la mer, de nombreuses communes ont su valoriser cette renaturation. Ce sont de nouveaux espaces pour des loisirs « nature » en plein boom et pour les riverains, le plaisir de renouer avec leur fleuve.
C’est prouvé, le fleuve Rhône regagne en qualité. Plus aucun secteur du fleuve n’est classé en état médiocre ou mauvais. La pollution domestique est désormais maîtrisée. Elle a été divisée par 5 en 20 ans grâce à la mise aux normes des stations d’épuration. Les rejets industriels sont également beaucoup mieux traités et la contamination par les PCB est sous surveillance.
- Des sites renaturés remarquables
Plus propre, le Rhône redevient aussi plus naturel par endroit. C’est le résultat d’un programme de restauration inédit déclenché suite aux grandes crues de 2002 et 2003. Depuis 2005, des travaux ont remodelé le lit du Rhône, rouvert d’anciens bras du fleuve et recreusé ses lônes afin de lui redonner un cours plus naturel et favoriser le retour de la biodiversité. Et ceci, sans remettre en cause navigation et production d’électricité. Près de 15 ans après, 150 km de fleuve et affluents sont de nouveau accessibles aux poissons migrateurs, 38 km de berges et de bras secondaires ont été renaturés. En plus de l’augmentation des débits à l’aval des barrages, les opérations de restauration ont reconstruit des habitats propices à la vie aquatique et les poissons d’eau vive, comme le hotu ou le barbeau, reviennent.
C’est déjà visible sur le Haut-Rhône à Belley, Brégnier-Cordon et Chautagne, à l’amont de Lyon sur le site de Miribel-Jonage, à Péage-de-Roussillon entre Isère et Ardèche, à Montélimar ou encore à Donzère Mondragon à la limite Drôme-Vaucluse.
- Le Haut-Rhône, pionnier de la restauration du fleuve
Entre 2003 et 2006, 22 lônes situées autour des 3 aménagements hydroélectriques (Chautagne, Belley et Brégnier-Cordon) ont été recreusées et reconnectées au Rhône. La diversité des macro-invertébrés a augmenté et le nombre des poissons d’eau courante (ombre commun, ablette, barbeau, vandoise) a doublé. Le territoire a valorisé économiquement ces espaces restaurés de grande qualité propices aux activités de plein air comme le canoë-kayak. L’enjeu aujourd’hui est « de continuer à protéger les milieux les plus fragiles, de sécuriser l’accès aux sites et d’entretenir ces lônes, explique Emilie Wichroff, directrice du Syndicat du Haut-Rhône. Nous aurons à l’avenir également à accompagner le développement de la navigation de plaisance ».
Grand Parc de Miribel-Jonage, un « laboratoire d’expérimentation »
Avec ses 2200 hectares de nature préservée aux portes de Lyon, le Grand Parc est le premier parc périurbain de France (4 millions de visiteurs par an). Propriété du SYMALIM, syndicat mixte de 17 collectivités, il bénéficie d’un patrimoine exceptionnel : 800 ha de forêt, 500 ha d’agriculture dont plus de 50 % en bio, 400 ha de plans d’eau, 56 ha des prairies sèches, 13 habitats protégés par l’Europe…
Depuis 10 ans, 18 millions d’euros ont été investis pour son aménagement hydraulique et écologique : amélioration de la rétention des crues et renaturation de gravières. Et un nouveau programme de restauration du fleuve Rhône de 42 millions d’euros d’ici 2027 associe les 9 collectivités et partenaires pour préserver l’eau potable de l’agglomération lyonnaise, restaurer la biodiversité, protéger les communes des inondations et développer les loisirs. L’agriculture participe également à la renommée du Parc et propose sa marque bio « Les saveurs du Parc ».
Jérome Sturla, Président du Grand Parc Miribel Jonage, veut faire du parc « un laboratoire où se tissent des liens entre la ville et la nature. L’expérimentation est notre moteur ». D’autres projets sont attendus à l’horizon 2030, à l’instar du nouveau contrat pour la préservation de la ressource en eau, signé avec Orangina Suntory France : « Cette collaboration s’inscrit dans la refonte de notre modèle économique basé sur l’ouverture au secteur privé. Nous souhaitons ainsi montrer que nous pouvons partager des valeurs et des objectifs communs ».
- En projet : une Halte nature à Châteauneuf-du-Rhône dans le cadre du plan Rhône
En 2015, la mairie de Chateauneuf-du-Rhône a dressé un état des lieux des Iles du Rhône, 200 hectares d’une grande richesse naturelle écologique. Objectif : concrétiser un projet de halte nature sur le fleuve. Déployé sur 15 ans, il doit concilier la restauration écologique du site (lônes, zones humides et une zone natura 2000), le développement touristique et la réappropriation du fleuve par les habitants. « Ce projet permettra aux habitants et touristes de profiter de lieux de pêche, jeux d’eau, hébergements insolites, animations pédagogiques, pontons… » précise Marielle Figuet, maire de Chateauneuf-du-Rhône et vice-présidente de Montélimar agglomération. Un site multi facettes qui sera accessible par le fleuve, la route et la ViaRhôna.
Le bon fonctionnement du fleuve Rhône nécessaire à l’écologie et à l’économie locale
Le fleuve revivifié et ses milieux naturels associés rendent de nombreux services gratuits à la société pour la sécurité de l’approvisionnement en eau potable, l’auto-épuration de l’eau et la capacité de résilience des territoires face au changement climatique. Ainsi, des zones humides reconnectées au fleuve constituent un des meilleurs systèmes naturels d’adaptation au changement climatique : telles des éponges, en période de pluie elles limitent les crues en absorbant l’eau en excès qu’elles restitueront au Rhône en saison sèche. C’est fondamental car même pour ce fleuve abondant, les conséquences du dérèglement climatique seront sévères : on prévoit à l’horizon 2050 une baisse d’environ 40 % de son débit à l’étiage. Avec la restauration du Rhône et de ses zones humides, le paysage s’embellit, le tourisme vert se développe. La ViaRhôna, cette voie cyclable qui longe le fleuve sur plus de 800 km du lac Léman jusqu’à la Méditerranée, a vu sa fréquentation augmenter de 26 % depuis 2013. Le nombre de kayakistes sur le Haut-Rhône a doublé en 3 ans.
Et suite aux travaux sur les secteurs de Chautagne et Belley, entre Ain et Haute-Savoie, les pêcheurs sont revenus en nombre (+ 17% de cartes de pêche vendues entre 2003 et 2007).
Des ambitions pour l’avenir
Le potentiel du Rhône est encore immense. Industries et collectivités peuvent agir pour restaurer les zones humides et limiter les flux de polluants. 150 toxiques différents sont encore mesurés à l’aval du fleuve, autant de substances rejetées à la mer. D’ici 2021, 35 sites industriels et 10 stations d’épuration doivent encore réduire leurs émissions de substances dangereuses dans le fleuve. 400 hectares de zones humides sont encore à restaurer et 60 km de fleuve restent à ouvrir aux poissons migrateurs.
« L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse agit depuis de nombreuses années pour restaurer le fleuve dans le cadre du Plan Rhône dont l’agence pilote le volet qualité, ressource et biodiversité, souligne Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau. Avec plus de 60 M€ d’aide apportée entre 2007 et 2014 et 50 M€ d’aide prévue d’ici 2021, l’agence de l’eau est le premier financeur de ce programme de restauration. Nous restons mobilisés pour l’avenir ».