Ressources génétiques du noyer : des avancées

Face aux effets du changement climatique, à l’apparition de nouveaux pathogènes et à une concurrence mondiale accrue, la filière nucicole française aura besoin de nouvelles variétés plus adaptées (1) à ce nouveau contexte.

Le CTIFL, en partenariat avec INRAE et avec le soutien de la Région Nouvelle Aquitaine, a lancé en 2017 le programme INNOV’noyer (2) pour étudier finement la collection de ressources génétiques détenue par INRAE, une des plus riches d’Europe, dans le but d’identifier des caractères d’intérêt et les gênes associés, qui pourraient permettre d’orienter les travaux si un nouveau programme d’amélioration était lancé.

Aujourd’hui, les résultats obtenus par ce projet sauvegardent et valorisent 30 années de recherches INRAE consacrées à cette espèce et permettent de disposer d’un ensemble d’outils pour la sélection de nouvelles variétés : une base de données de phénotypage robuste, des informations de parenté entre les individus, la localisation des zones du génome contrôlant des caractères d’intérêt agronomique (taille de la noix, poids, rendement…) et des marqueurs moléculaires. Les derniers résultats sont publiés le 8 janvier 2021 dans la revue Frontiers in Plant Science.

Ce travail s’appuie sur une longue histoire du noyer au sein d’INRAE, et en particulier sur une collection de ressources génétiques unique

Dans le cadre du projet  « INNOV’noyer  » lancé en  2017, INRAE3et le CTIFL ont initié un travail ambitieux pour caractériser les ressources génétiques de la collection de noyers. Ils ont conduit des travaux en génétique (génotypage, phénotypage, étude d’association pangénomique) dans le but de déterminer l’architecture génétique des principaux caractères d’intérêt agronomique chez le noyer cultivé (date de floraison plus tardive pour éviter les gelées printanières, noix de plus gros calibre, facilité d’énoisage, etc.), et de proposer des outils utiles au travail de sélection.

L’analyse de la diversité génétique et de la structure de la collection de noyers cultivés à l’aide de marqueurs microsatellites a montré une structuration en deux groupes ancestraux en lien avec l’origine géographique des accessions4 et des accessions très diverses génétiquement, résultats à prendre en compte pour le choix de futurs géniteurs.

Elle a également permis de sélectionner un panel de 170 accessions sur lequel ont été menées des études approfondies de phénotypage et d’association pangénomique.

Le phénotypage de ce panel de 170 individus a été réalisé pour un ensemble de caractères : phénologie, qualité du fruit et résistance aux maladies.

Au total, 34 variables ont été étudiées sur les 170 noyers sélectionnés. Certains caractères liés au fruit comme la taille de la noix (hauteur, diamètre), son poids, le rendement au cassage et la force nécessaire pour rompre la noix, ont été mesurés.  

Certains caractères liés au fruit comme la taille de la noix (hauteur, diamètre), son poids, le rendement au cassage et la force nécessaire pour rompre la noix ont été mesurés.

 Ces études ont été possibles Grâce au développement de méthodes utilisant des techniques de phénotypage robustes, comme le texturomètre qui permet de mesurer la force nécessaire pour engendrer la rupture initiale de la noix, et surtout de la microtomographie à rayons-X pour mesurer tous les caractères morphologiques, sans casser la noix.

Cette technique non destructive permet de séparer les 3 principales parties de la noix (coque, cerneau et espace vide) sans avoir à l’ouvrir. Par exemple et selon les accessions, la hauteur de la noix varie de 28 millimètres environ à plus de 51 millimètres, et l’épaisseur de la coque peut varier du simple au double.

Enfin, l’étude d’association pangénomique (ou GWAS) a permis d’associer des zones du génome et des caractères d’intérêt, sur le plan de la phénologie comme la date de débourrement des feuilles et des fleurs femelles, le type de fructification le long du rameau (intervenant directement sur le rendement), ou la qualité du fruit comme le diamètre, le volume et le poids de la noix ou celui du cerneau.

L’ensemble de ces connaissances et des outils, tels que les marqueurs moléculaires, mis aujourd’hui à disposition par ce travail en partenariat permet d’envisager un travail de sélection correspondant aux critères recherchés de façon précise.

Proposer des variétés à cycle court, pour éviter les gelées printanières, et produisant des noix relativement tôt dans la saison, est primordial. Il faut toutefois pouvoir maintenir une forte productivité, une grande vigueur de l’arbre et une qualité organoleptique des fruits.

1La Chine est le principal pays producteur, avec plus d’un million de tonnes en moyenne sur les 20 dernières années, suivie par la Californie et l’Iran. La France se situe à la 10ème position, mais représente le 3ème producteur européen derrière l’Ukraine et la Roumanie. En 2019, la France a produit plus de 35 000 tonnes de noix et presque 26 000 hectares sont alloués à sa production, ce qui en fait la deuxième culture arboricole fruitière en termes de surfaces, derrière la pomme. Avec ses deux AOP Noix de Grenoble et Noix du Périgord, la noix est un fruit à coque incontournable économiquement et culturellement.

2Le projet « INNOV NOYER » est porté par CTIFL en partenariat avec INRAE et l’Université de Davis en Californie ; il est subventionné par la région Nouvelle-Aquitaine et labellisé par le pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation.


3L’équipe A3C ‘Adaptation du Cerisier au Changement Climatique‘ de l’UMR Biologie du Fruit et Pathologie (BFP)

4Accession : Une entité génétique distincte (souvent un lot de graines) identifiable de manière unique représentant un cultivar, une lignée de sélection ou une population.

Gilbert Precz

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